Lorsque le président français Emmanuel Macron a déclaré le mois dernier dans une interview qu’il envisageait de « définir des repères sur la manière dont l’islam est organisé en France », il n’a pas fait d’annonce sans précédent. Il s’est plutôt engagé à réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Les gouvernements qui se sont succédé depuis les années 1980 ont tenté de créer une marque d’islam particulière à la France, avec le double objectif d’intégrer la minorité musulmane du pays et de lutter contre l’extrémisme islamiste. L’objectif était de créer un islam qui soit conforme aux valeurs nationales, notamment la laïcité, et à l’abri des interprétations radicales qui ont pris pied dans certaines parties du monde musulman. Ironiquement, les tentatives passées de codifier une sorte d’islam français – transformant l’islam en France en un islam français – ont été profondément mêlées aux pays d’origine des musulmans français, notamment le Maroc, l’Algérie et la Turquie. En 2015, par exemple, le président de l’époque, François Hollande, a signé un accord avec le gouvernement marocain. monarchie d’envoyer des imams français dans un institut de formation à Rabat. Le résultat est une crise de représentation et de légitimité. Les organisations existantes, affiliées à l’État ou non, ne représentent pas les diverses communautés musulmanes en France. Cela sape l’intégration des musulmans dans la société en général et, selon le gouvernement Macron, crée un espace pour des idéologies dangereuses. Dans le même temps, de nombreux musulmans envisagent une approche descendante pour gérer l’islam de manière à ce qu’il soit domestiqué ou condescendant, en particulier à la lumière de l’héritage colonial non résolu de la France dans le monde arabo-musulman – un moyen d’assimiler l’islam jusqu’à l’invisibilité. Il existe une autre raison pour laquelle les observateurs peuvent considérer les efforts de l’État avec scepticisme. L’objectif premier – rarement énoncé explicitement et souvent intégré à des platitudes rhétoriques sur la cohésion sociale – est clair: lutter contre la radicalisation. « Il est toujours sous-entendu qu’un islam français est modéré et opposé au terrorisme », a déclaré Olivier Roy, spécialiste de l’islam professeur à l’Institut universitaire européen de Florence. « Mais qu’est-ce que cela signifie pour une religion d’être modéré? » On estime à 6 millions le nombre de musulmans en France, soit 8% de la population, au centre du calcul contemporain de l’identité nationale dans un pays attaché à la laïcité, ou laïcité étatique, le principe juridique de 1905 qui sépare l’Église et l’État et prescrit la neutralité de l’État sur la religion. Plus récemment, ce débat s’est greffé sur la lutte contre l’extrémisme islamiste et les attaques de ce mois-ci dans les villes de Carcassone et Trèbes, dans le sud du pays, perpétrées par un homme d’origine marocaine, naturalisé en 2004, ont encore aggravé les inquiétudes de la population. Depuis 2013, au moins 1 700 Français ont rejoint les rangs de l’État islamique en Irak et en Syrie; citoyens ont été à l’origine de plusieurs attentats auxquels la France a été confrontée en 2015 et 2016. Toutefois, l’inquiétude nationale suscitée par la compatibilité même de l’islam avec la République française remonte au moins aux années 1970 et 1980, lorsque des immigrants venus temporairement d’anciennes colonies françaises (notamment en Afrique du Nord) ont commencé à s’installer définitivement en France. Cette réalité a déclenché une série de tentatives étatiques pour gérer l’intégration musulmane. « La communauté musulmane est fatiguée et déçue par une série d’offres ridicules et humiliantes », m’a dit M’hammed Henniche, président de l’Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis, district à majorité musulmane au nord-est de Paris. faisant référence aux politiques qui ont attaché l’islam français au monde arabe.